La question de la sauvegarde du patrimoine et des bâtiments historiques a beaucoup occupé l’actualité à Saint-Boniface ces derniers mois. Cela m’a donné envie de m’intéresser un peu aux trésors plus ou moins cachés du quartier et leur rôle dans l’histoire de la communauté.
Commençons notre parcours au 886 avenue Taché, tout près du parc Whittier et du Fort Gibraltar. Vieux d’un siècle, ce réservoir d’eau est encore utilisé aujourd’hui pour réguler la pression de l’eau de la ville de Winnipeg. Il n’a jamais subi de grandes rénovations et n’a presque pas changé depuis 1918.
Puis, à l’angle de la rue Dumoulin et de la rue Saint-Joseph, dans le Kiewel Brewery Building se cache une ancienne brasserie. À son ouverture en 1925, 30 000 barils de bière y étaient produits chaque année. Kiewel était une compagnie du Minnesota qui avait ouvert des usines à Winnipeg et Toronto pendant la période de la Prohibition américaine. Plusieurs brasseries se sont succédé à cet emplacement, mais il n’y a pas plus de bière dans ce bâtiment aujourd’hui. Pour en trouver, il faut aller chez Kilter sur la rue Deschambault!
Le boulevard Provencher abrite à lui seul une dizaine de bâtisses historiques. J’en ai sélectionné quelques-unes.
Le Carré Civique tout d’abord, bien sûr. C’est le nom utilisé pour rassembler la caserne de pompiers et l’hôtel de ville de Saint-Boniface. Le 219 Provencher abritait l’Hôtel de ville de Saint-Boniface avant que la ville ne soit amalgamée par Winnipeg en 1972. Bureaux du maire, des conseillers, de la police, il y avait même onze cellules de prison dans le sous-sol! Aujourd’hui, le bâtiment abrite Tourisme Riel, le World Trade Centre et la Maison des artistes visuels francophones.
La caserne de pompiers a été utilisée de 1907 à 1967 pour combattre les incendies. Imaginez cette période, où les téléphones n’étaient pas communs dans les maisons : si un habitant du quartier voyait un feu, il devait se rendre à la caserne pour sonner les cloches lui-même! La tour servait quant à elle à pendre les lances pour les sécher.
En face du 219 Provencher, on trouve un bureau de Postes Canada. Il a été construit trois ans après l’Hôtel de Ville, avec les mêmes matériaux. Au début du 19e siècle, la population croissante de Saint-Boniface a amené la nécessité de créer des services. Plus de cent ans plus tard, ce bureau de poste est toujours en activité et offre des services bilingues.
Au 265 Provencher, rien n’indique que cette maison à tourelle qui abrite aujourd’hui plusieurs entreprises est un site désigné au patrimoine provincial et municipal. C’était la maison familiale de Thomas Bernier, homme à multiples casquettes : avocat, politicien, auteur, maire de Saint-Boniface à la fin des années 1800, sénateur, député de Saint-Boniface pendant trente ans, il a aussi été intendant des écoles catholiques et un fervent partisan du droit à l’éducation en français au Manitoba.
Et enfin au bout du boulevard Provencher, le bâtiment du Club Belge a lui aussi plus d’un siècle d’existence : il a été fondé en 1905 par des immigrants belges qui souhaitaient pouvoir se rassembler dans un même lieu proche de leurs domiciles à Saint-Boniface. Le club compte aujourd’hui 5 000 membres, dont beaucoup sont des descendants des fondateurs et est très actif pour promouvoir la culture et la nourriture belge, notamment pendant le festival de Folklorama.
Tournons sur la rue Des Meurons. Resto Gare n’est pas qu’un resto. Comme son nom l’indique, il est installé dans une ancienne gare désaffectée de la CN. La gare a été en opérations de 1914 jusqu’aux années 1950. On doit sa transformation en restaurant à l’architecte Étienne Gaboury, dont je vous reparlerai!
Manger dans un ancien wagon, c’est une expérience assez insolite et la moindre attention est apportée aux détails du décor ferroviaire. Si vous voulez tenter l’expérience avec une tournée guidée, essayez les tournées culinaires estivales de Tourisme Riel!
Avenue de la Cathédrale, il est question d’éducation. L’Académie Saint-Joseph au numéro 321 abritait l’école des filles – et son élève la plus connue n’est autre que Gabrielle Roy. Le bâtiment a aussi été longtemps le siège des institutions culturelles franco-manitobaines comme le Théâtre du Cercle Molière ou le 100 Nons. Aujourd’hui, c’est une résidence pour aînés.
En face, l’École Provencher était l’école des garçons. Les origines de l’école remontent à l’arrivée du Père Provencher dans la colonie de la Rivière Rouge, soit aussi loin que 1818 (deux cents ans!) mais le bâtiment actuel date de 1906, avec de nombreux travaux et rénovations, après notamment une explosion en 1923 et pour satisfaire aux exigences modernes, car c’est encore une école aujourd’hui!
Autre bâtiment éducatif, celui-ci en moins bon état malheureusement, c’est l’ancienne école normale de Saint-Boniface. Dans cet établissement, les enseignants francophones étaient formés jusqu’à la disparition de l’éducation en français en 1923. Le bâtiment a eu plusieurs vies ensuite, école, internat, résidence pour aînés. Il est inoccupé depuis 2005.
Et pour terminer ce tour, parlons technologie. À l’angle de la rue Horace et de l’avenue Traverse se cache un secret: un bâtiment en briques opéré par Bell-MTS. Et ce, depuis 1924. Les premiers équipements téléphoniques lorsque le téléphone a commencé à se développer ont été placés dans cet immeuble, comme l’indique encore l’inscription sur la façade!
Bien sûr, cette sélection de bâtiments historiques à Saint-Boniface n’est pas exhaustive. N’oublions pas la Maison Gabrielle Roy, la Cathédrale de Saint-Boniface , le bâtiment principal de l’Université de Saint-Boniface, la maison Kittson au 165 rue de la Vérendrye qui date de 1878 ou encore le Musée de Saint-Boniface qui est la dernière structure d’architecture de la Rivière Rouge dans l’Ouest canadien.
Si ces questions d’histoire et de patrimoine vous intéressent, n’hésitez pas à lire les articles sur ces lieux, visiter le site de la Manitoba Historical Society ou faire un tour dans le quartier avec le balado de la Société historique de Saint-Boniface dans les oreilles.